Retrouvez l’interview du Professeur Carlos Moreno dans le numéro 44, printemps 2016, de la revue Energy Cities. Il évoque dans cet article l’avenir connecté de la ville et les défis à relever pour la transformer en « smart city ».
Energy Cities promeut une transition non seulement technologique mais avant tout sociétale. Comment appréhendez-vous la démocratie de l’énergie dans une « ville intelligente » ?
Considérer que la ville serait intelligente en développant des solutions fortement technologiques, et que ces dernières pourraient apporter des solutions à des problèmes complexes, sans impliquer les citoyens, conduit à une impasse. D’autant plus que les citoyens d’aujourd’hui disposent de moyens techniques pour s’informer et se mobiliser au quotidien. Via les réseaux sociaux, il est possible de rassembler dans la rue des centaines de milliers de personnes en quelques heures à peine. C’est là un moyen de pression très fort des habitants sur les élus locaux et plus largement sur les gouvernements nationaux. Il faut comprendre que le rapport entre administrés et gouvernements change sous l’effet de ces technologies, et que la gouvernance et la manière de faire de la politique changent aussi. Il y a clairement une évolution par rapport à la démocratie représentative traditionnelle. Donner du sens à la ville, à l’heure de la transition énergétique, des énergies décentralisées, de nouvelles mobilités, du développement de circuits courts, est avant tout un fait social. Sans cette mise en cohérence – qui est une vraie priorité aujourd’hui – nous allons nous couper de l’adhésion citoyenne indispensable pour opérer un changement de fond car le coeur de la valeur est dans les usages, dans la création de valeur sociale ; il n’est pas dans la technologie elle-même.
Quels sont les principaux défis que les maires auront à relever pour réussir cette transition ?
Aux quatre coins du monde, ces espaces urbains doivent aujourd’hui faire face à cinq grands défis s’ils veulent répondre aux besoins et aux attentes de tous leurs habitants : environnemental, économique, social, culturel, et de résilience. Il est essentiel qu’un projet de ville intelligente puisse se construire sur le long terme, dans une durée qui dépasse celle de la mandature des maires. C’est cette continuité qui viendra renforcer le projet commun, l’implication des populations et des partenaires, l’identité de la ville. Un autre élément essentiel est la capacité à faire évoluer nos modèles de gouvernance. Sortir de la verticalisation monofonctionnelle technique pour penser les évolutions urbaines de manière intégrée et globale. Laisser de la place à l’initiative citoyenne en ayant toujours en tête que le maire est là pour donner une vision, cadrer le développement et favoriser l’expression de la vie dans la ville dans ses multiples formes pour façonner cette approche de ville ouverte, participative, vivante et créative. Pour réussir leur transition, les villes doivent s’appuyer sur des écosystèmes dynamiques. Il est crucial que l’ensemble des acteurs concernés, sur toute la chaîne de valeur, puisse converger afin d’assurer une construction sur le long terme. Car il ne s’agit pas d’un simple effet de mode : c’est en les prolongeant dans le temps que nous pourrons voir les potentialités transformatrices des apports de tout un chacun pour que la ville et l’ensemble des espaces urbains deviennent une plateforme de transformations à ciel ouvert.
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Making the city “an open transformation platform”
Carlos Moreno is a Franco-Colombian university professor born in 1959. This humanist-scientist is renowned worldwide for his expertise of the “human smart city” concept.
Energy Cities is promoting a transition that is not only technological, but primarily societal. What is your perception of energy democracy in a “smart” city?
Considering that a smart city could be created by developing highly technological solutions and that these solutions would be able to solve complex problems, without involving citizens, would lead us to a dead-end. Especially since today’s citizens have the technical resources to be kept informed and involved on a daily basis. Through social media, it is possible to organise flash mobs of hundreds of thousands of people in just a few hours. This is how citizens can put strong pressure on elected representatives and, more generally, on national governments. You have to understand that these technologies are changing the relationship between citizens and governments and that governance and our approach to politics are changing too. There has clearly been a shift in traditional representative democracy. Giving meaning to the city in the era of energy transition, decentralised energy sources, new forms of mobility and short supply chains is, above all, a social fact. Without this integration effort – which is today’s true priority – we run the risk of losing the support of citizens, which is indispensable for bringing about a fundamental change, because the essence of value lies in the uses, in the creation of social value, and not in the technology itself.
What main challenges will the mayors have to meet to achieve such a transition?
Around the globe, these urban areas must now deal with five main challenges if they want to meet the needs and expectations of their inhabitants. These are environmental, economic, social, cultural and resilience challenges. It is vital that a smart city project is built over the long term, longer than the mayor’s term of office. It is this continuity that will reinforce the shared project, the involvement of citizens and partners and the city’s identity. Another central element is the capacity to change our governance models. To move away from technical, mono-functional vertical models so that urban developments are devised in an integrated, global way. To make room for community initiatives, always bearing in mind that the mayor is there to provide a vision, places limits on development and encourage the expression of life in the city, in its multiple forms, thus shaping the concept of an open, living and creative city. To achieve their transition, cities must be able to rely on dynamic ecosystems. It is crucial that all stakeholders, along the entire value chain, converge to ensure construction over the long term. This is not just a fad: it is by extending them over time that we will be able to see the transformation potential of community contributions and that the city and all urban areas will become an open transformation platform.
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