Paris, New York, Londres, Berlin… toutes les métropoles-monde ont compris que leur développement passe par une nouvelle gouvernance et un meilleur équilibre, inclusif, pour créer la ville vivante demandée par les citoyens. Voici cinq exemples réussis de transition urbaine en cours.
Medellín, une ville pour la vie
En 2012, à la surprise générale, le Wall Street Journal élisait Medellín, seconde métropole de Colombie, « ville la plus innovante au monde ». Depuis, le monde a découvert cette métamorphose. En août dernier, le prestigieux prix Lee Kuan Yew, au World Cities Summit, est venu s’ajouter à une longue liste de récompenses.
Des distinctions largement méritées si l’on se penche sur l’exceptionnelle mutation qu’a réussie cette ville en une vingtaine d’années. Dans les années 1990, Medellín était considérée comme la ville la plus dangereuse au monde. Aujourd’hui, elle peut se targuer d’avoir réduit de 95 % son taux criminalité et d’avoir fait reculer de 8 à 3 % son taux de population touchée par la pauvreté extrême. Cette profonde transformation est le fruit d’un engagement de la gouvernance sur plusieurs mandats – et ce, quel que soit le bord politique des dirigeants – autour d’une vision commune : donner la priorité, par une planification sociale pionnière, aux populations et aux territoires les plus vulnérables afin de développer l’inclusion sociale et l’innovation en misant sur la culture, l’éducation, la formation et l’emploi.
La révolution menée est celle de l’équité, qu’elle a fondée sur cinq aspects de la vie citoyenne : la transparence, la participation, la non-violence, l’innovation et la résilience.
Le résultat est à la hauteur des enjeux.
Cette vision a porté de nombreux projets de développement urbain dont la finalité était toujours la même : bâtir une ville plus humaine, tournée vers la vie. La Ville a mis en oeuvre des solutions de mobilité créatives, qui sont avant tout des outils massifs d’inclusion sociale avec une variété unique au monde. Symbole de cette innovation, le Metrocable, réseau téléphérique urbain qui a permis de désenclaver des quartiers qui étaient auparavant délaissés. Les unités de vies articulées (UVA) et la renaissance du fleuve avec un grand parc urbain sur ses berges sont des exemples reconnus internationalement de qualité de vie urbaine.
Kigali, de la guerre à l’avant-garde écolo
Capitale du Rwanda, Kigali – comme tout le pays – a été tristement connue pour des faits de guerre, qui lui ont valu la mise à l’écart de la communauté internationale.
Aujourd’hui, cette ville africaine de 1 million d’habitants se montre exemplaire dans sa volonté de devenir une ville verte et durable. Elle applique une politique qui va de pair avec une très grande conscience écologique, une mobilisation et un sens de l’engagement citoyen. En mai, ONU Habitat a déclaré Kigali « capitale verte de l’Afrique » et « plus belle ville du continent ».
Le transport en ville, véritable cauchemar urbain en Afrique, est un chantier considérable en vue de le rendre vert, en libérant les rues du trafic automobile individuel. Ses ronds-points paysagers ont fait l’objet d’un soin particulier et sont des exemples pour les citoyens. Déjà, depuis plusieurs années, l’interdiction de se garer en surface est de mise, et la construction des bâtiments oblige la réalisation de parkings souterrains. Depuis le 24 août dernier, les voitures ont l’interdiction de circuler à l’intérieur du périmètre urbain.
La ville est rendue pour l’essentiel aux piétons. On y remarque une propreté exemplaire et un éclairage public soigné : ce sont autant d’invitations pour les habitants à utiliser l’espace public. Des aires de repos sont aménagées tous les 500 mètres dans les rues, et l’accès Wi-Fi est gratuit partout.
Depuis dix ans, les sacs en plastique sont interdits non seulement à Kigali mais dans tout le Rwanda, et ont été remplacés par des sacs en papier biodégradable. Les travaux communautaires destinés à l’entretien de l’environnement urbain sont obligatoires pour tous les jeunes à partir de 16 ans : plantation d’arbres, amélioration du circuit de l’eau de pluie et de sa réutilisation, nettoyage de canalisations.
Les drones sont utilisés couramment depuis plusieurs années comme moyen de transport pour les livraisons de vaccins et de sang, dans des zones d’accès difficile, remplaçant ainsi les 4×4. Une ville verte, dont il faut suivre l’exemple.
Montréal, biodiversité et agriculture urbaine
Le phénomène urbain a transformé en profondeur les rapports entre les hommes, l’habitat et la nature. L’émergence et la croissance des grandes métropoles, les développements croissants des infrastructures, mais aussi l’effet d’attractivité sont venus bouleverser les rapports entre nos vies, les espaces urbains, mais aussi ruraux, et la biodiversité dans son ensemble. À cet égard, le cas de Montréal est intéressant.
C’est une ville connue pour sa qualité de vie, ses espaces verts, son harmonieuse intégration au sein d’un écosystème naturel grandiose. Elle l’est aussi pour ses très nombreux festivals et ses activités culturelles riches et variées. Parmi elles, au coeur de la ville, le plus grand complexe muséal en sciences de la nature du Canada, l’Espace pour la vie, qui regroupe un biodôme, un insectarium, un jardin botanique et, depuis 2013, un planétarium. Lieu de loisirs urbains pour les familles et les passionnés de la nature, pôle d’attractivité pour les touristes, le complexe s’est également engagé à protéger la biodiversité et invite toutes les communautés à participer à ce mouvement.
Par ailleurs, Montréal, avec 42 % d’habitants qui pratiquent régulièrement l’agriculture urbaine, est considéré comme un modèle du genre. Son programme d’agriculture urbaine est en effet l’un des plus importants au monde, avec plus de 8500 parcelles réparties dans 97 jardins, 75 jardins collectifs et de nombreuses initiatives privées. Quelque 30 % de la population du Grand Montréal disent cultiver des plantes potagères sur leur terrain, balcon ou toit. Ainsi, pour construire un cadre de vie de qualité et une économie prospère, avec et pour le citoyen, en misant sur l’innovation collaborative, les technologies de pointe, l’audace et la créativité montréalaises, un Bureau de la ville intelligente et numérique (BVIN) a été créé en 2014.
Chaoyang Park Plaza de Beijing, une « skyline » nature dans l’espace urbain ?
Ce sont 90 % de la croissance urbaine qui se concentrent dans seulement trois pays :
l’Inde, le Nigeria et la Chine. Nous assistons en même temps à l’émergence des hypermégalopoles de 50 millions d’habitants, le cas de Shanghai ou Canton par exemple, et nous nous interrogeons sur le devenir des espaces verts dans les zones urbaines hyperdensifiées. Signe des temps, à l’heure où les villes comme Beijing s’asphyxient, une nouvelle génération d’architectes et urbanistes chinois se propulse sur la scène internationale et fait parler d’elle avec des projets novateurs. C’est le cas de l’architecte Ma Yansong, fondateur de l’agence MAD. Ses projets sont une vision originale de l’environnement et de la place de la nature dans les grandes mégalopoles.
Premier architecte chinois à avoir emporté un prix à l’étranger, il porte une architecture déconstructiviste. À Beijing, il fait la démonstration de sa lecture du paysagisme, inspiré de l’art traditionnel pictural chinois, en l’appliquant au monumental projet Chaoyang Park Plaza, qui sera inauguré prochainement.
Cette nouvelle skyline de Beijing reprenant les contours du paysage chinois naturel, sera un nouveau centre urbain avec d’imposants gratte-ciel arrondis, des immeubles à bureaux et d’habitations, ainsi que des places publiques, sur 12000 m2, donnant lieu à une nouvelle vision de la ligne d’horizon qui renouera avec les paysages asymétriques naturels faits de montagnes, forêts, vallées et lacs. Il révolutionne à grande échelle les paysages urbains. « En métamorphosant ainsi les figures traditionnelles de l’art pictural chinois – lacs, sources, forêts, ruisseaux, vallées et rochers – en paysages urbains modernes, cet espace crée un équilibre entre densité et paysages naturels. »
Utilisant à la fois des sources de lumières naturelles et des biomatériaux, le projet Chaoyang Park Plaza est l’un des grands chantiers d’éco-urbanisme à suivre afin d’appréhender la transformation amorcée aujourd’hui par les mégalopoles.
Ljubljana, capitale verte d’Europe
Chaque année, l’Union européenne décerne à une ville le titre de « Capitale verte » afin de mettre à l’honneur sa gestion de son environnement et sa volonté d’améliorer la qualité de vie de ses habitants. Après Bristol en 2015, l’année 2016 a vu Ljubljana, lui succéder. La capitale de la Slovénie accueille d’ailleurs, du 16 au 18 novembre, le forum européen Eurocities, qui réunit les villes européennes engagées dans la lutte pour l’écologie et la préservation de leur patrimoine culturel et économique au service de leurs habitants. En 2015, Ljubljana avait été couronnée par le prix Tourism for Tomorrow de la World Travel & Tourism Council. Cette récompense salue notamment les efforts réalisés afin de développer un tourisme éco-intelligent, alliant vie urbaine, nature, culture et promotion de la ville comme destination. C’est un enjeu majeur pour les villes de demain, lorsque l’on connaît les ravages que le tourisme de masse peut entraîner dans les centres urbains.
La multimodalité existe depuis 2007, avec la restriction des véhicules dans le centre-ville et la mise à disposition de véhicules électriques, vélos partagés et autres moyens d’écomobilité, devenus courants en Europe, ainsi que la multiplication de zones vertes et leur mise en valeur. Ljubljana est la première ville européenne à avoir adopté un ambitieux programme de recyclage des déchets à l’horizon 2025, « Zéro déchets ». Il s’agit de recycler trois quarts des ordures ménagères produites. Il est accompagné d’un plan de « réutilisation des objets », afin d’engager les citoyens à donner une seconde ou une troisième vie à leurs objets. Aujourd’hui, Ljubljana est la ville européenne avec le taux de recyclage urbain le plus important.
Au niveau du chauffage urbain, le circuit de chaleur et froid, s’appuyant sur la cogénération, est l’un des plus efficients en Europe, avec 10 % de production de son énergie à partir de la biomasse. Depuis 2008, les fontaines publiques sont dotées d’eau potable naturelle issue de sources du sous-sol urbain.