Le 27 novembre dernier, le Pr. Carlos Moreno a répondu aux questions du Club Parlementaire du Numérique. Son interview est disponible en français et en espagnol ci-dessous.
Entretien avec Carlos Moreno, Professeur des Universités, spécialiste du contrôle intelligent des systèmes complexes
La ville intelligente ou smart city, relève de différents enjeux. En termes économiques, quels sont les grands chantiers d’aujourd’hui ?
La Smart City est la convergence de plusieurs enjeux – sociaux, culturels, économiques, écologiques et de résilience – qui sont, et il est essentiel de le souligner, interdépendants. Dans ma vision de la Smart City, c’est la qualité de vie en ville qui doit être au cœur de toute démarche d’innovation, et il y a trois domaines dans lesquels il faut innover de manière convergente : l’inclusion sociale, la réinvention urbaine et les apports des grandes révolutions technologiques en cours, traversées par le digital.
Si l’on veut faire un focus sur les grands chantiers actuels en termes économiques, je dirais que la priorité, dans notre monde en crise, et notamment en Europe, où nous souffrons de grosses difficultés budgétaires qui ont un impact important sur nos villes, c’est la mutualisation et l’optimisation – soit comment mieux faire de façon frugale. Grâce à une gestion transverse de la ville, nous pouvons créer de nouveaux services (mobilité, participation citoyenne, efficience énergétique, culture, sécurité…) et nous pouvons assurer une meilleure transition urbaine face aux défis du 21ème siècle, la diminution des ressources énergétiques et le changement climatique.
La ville connectée permet aussi au citoyen de mieux s’approprier sa municipalité, grâce à l’usage des données par exemple. Quelles sont les innovations possibles dans ce domaine ?
L’un des aspects de l’intelligence urbaine est en effet l’hyperconnectivité des citoyens, avec la coproduction de données qui permet d’innover à travers la création de nouveaux usages. Nous avons déjà de nombreux exemples : l’ouverture des données, grâce à l’open data déployée à l’échelle des villes, permet aux citoyens d’avoir accès à des données de tous types : données cadastrales, mobilité, infrastructures, gestion des ressources etc. De nouvelles applications sont créées lors des hackathons : grâce à l’appli Tranquilien, par exemple, née de l’ouverture des données de la SNCF lors d’un hackathon, le transport en Île-de-France devient intelligent. C’est vrai aussi pour l’efficacité énergétique, avec la création d’applis permettant de signaler des défaillances (comme FixMyStreet et sa version parisienne, DansMaRue). On voit naître de nombreuses plateformes dédiées à de nouveaux services urbains. Un portail comme Proxima Mobile répertorie toutes les applis utiles pour les usagers urbains. Bref, la capacité à créer de nouvelles applications est infinie, et elle concerne tous les domaines de la vie urbaine (santé, environnement, mobilité, culture, etc). Nous assistons aujourd’hui à la convergence de l’open-data, de la cartographie numérique, de la géolocalisation et de la co-construction de nouveaux services. Ce qui est intéressant à l’heure actuelle, ce n’est pas seulement le fait que les données soient ouvertes, mais qu’elles deviennent elles-mêmes sources d’information. Immergées dans un environnement socio-territorial, les données mobilisent les énergies et font naître ainsi de nouveaux services et usages. Pour ma part, je plaide pour pérenniser les acquis, grâce à la démocratisation du codage, pour développer des applis d’une grande diversité grâce à l’open source et pour que vivre dans sa ville devienne, par le numérique, une « appstitude ». La mobilisation des énergies ne doit pas se faire uniquement le temps d’un week-end pour un hackathon, mais au quotidien, grâce à l’hyperconnectivité.
Vous défendez une vision de la ville intelligente « humaine ». Qu’est-ce à dire ?
Je suis en effet l’un des membres pionniers de cette communauté internationale qui porte le concept de Smart City Humaine ou Ville Vivante, en défendant une approche résolument « citizen-centric ». Pour nous, les vrais enjeux de la transformation urbaine sont sociaux, économiques, culturels, bref humains. La technologie n’est pas une fin en soi, elle n’est qu’un levier, certes extrêmement puissant, de cette transformation. Il ne peut pas y avoir de ville intelligente sans intelligence citoyenne. Cette approche est intéressante parce qu’elle permet de concentrer les meilleurs efforts pour transformer la ville et je me réjouis de la voir aujourd’hui au cœur de la réflexion des grands acteurs internationaux.
Les besoins des villes sont-ils différents selon leur profil ?
Je défends également sur la scène internationale cette idée que la Smart City n’existe pas, il n’y a que des Smart Cities humaines. La ville est comparable à un organisme vivant complexe et chaque ville a une histoire qui lui est propre. Nous disons que le 21ème siècle est celui des villes, mais le poids de chaque ville est particulier. Il existe donc des besoins spécifiques à chaque espace urbain, liés à son contexte et de même les solutions adaptées pour une ville ne conviennent pas forcément aux autres, même dans un même pays. D’où l’importance de travailler dans une approche transversale et multidisciplinaire. D’où l’importance également de prendre en compte l’environnement de la ville et sa gouvernance, car sans acceptabilité de la part des futurs usagers il ne peut y avoir de transformation urbaine.
Quels sont les échanges que vous avez avec les différents maires ? Sont-ils suffisamment conscients des opportunités du numérique ou jugez-vous cette évolution encore trop confidentielle ?
J’ai le privilège d’échanger en permanence avec les décideurs des villes en France et dans le monde entier. Il est impossible de généraliser aujourd’hui l’état d’esprit des maires, la situation est très différente d’une ville à l’autre. Dans certaines villes, la mutation est largement intégrée par les décideurs et cela se traduit par de profondes transformations. Mais il reste beaucoup à faire pour aller à l’essentiel : capitaliser sur cette opportunité unique que représente la convergence entre le social, l’urbain et le numérique. Certains maires sont très à la pointe du numérique, mais sont tentés par l’approche techno-centrée. D’autres sont très à la pointe de l’action sociale et passent à côté de l’optimisation de la performance que permettent les nouvelles technologies. D’autres enfin investissent beaucoup dans de grands travaux, mais tendent à négliger l’inclusion dans un écosystème et l’inclusion sociale. Il y a donc un travail permanent de diffusion, d’échanges et de pédagogie à faire et c’est le rôle que je m’efforce de jouer sur la scène internationale. Il faut donner à voir la ville du futur, mais aussi montrer qu’il est possible de la construire dès aujourd’hui. Car les villes qui réussissent leur transformation urbaine sont celles qui se projettent sur le long terme, bien au-delà de la durée d’un mandat électoral.
Entrevista con el professor Carlos Moreno, especialista de la Ciencia de la Complejidad y los Sistemas de Sistemas
La ciudad inteligente o Smart City,es un tema que concierne multiples desafíos. ¿En términos económicos, cuales son las grandes temas de hoy?
La Smart City es la convergencia de varias problemáticas – sociales, culturales, económicas, ecológicas, de resiliencia – que son, y es esencial subrayarlo, interdependientes. En mi visión de la Smart City, es la calidad de la vida en la ciudad que debe estar en el corazón de toda acción de innovación, y hay tres sectores en los cuales hay que innovar de manera convergente y prioritaria : la inclusión social, la reinvencion de las infraestructuras urbanas y los aportes de las grandes revoluciones tecnológicas en curso, la digital en particular.
Si se quiere hacer un focus sobre las grandes temas actuales en terminos económicos, yo diría que la prioridad, en nuestro mundo en crisis, particularmente en Europa, donde sufrimos de grandes dificultades presupuestarias que tienen un impacto muy importante sobre nuestras ciudades, es la mutualizacion y la optimizacion – cómo hacer mejor, másy de modo frugal. Gracias a una gestión transversa, sistémica, de la ciudad, podemos crear nuevos servicios (movilidad, participación ciudadana, eficiencia energética, cultura, valorización del patrimonio histórico, seguridad…etc) y podemos construir una mejor transición urbana frente a los desafíos del siglo 21, los recursos energéticos y el cambio climático.
La ciudad conectada le permite también al ciudadano apropiarse mejor de su municipalidad, gracias al uso de los datos por ejemplo. ¿Cuales son las innovaciones posibles en esta área ?
Uno de los aspectos importantes a considerar de la inteligencia urbana es en efecto la hyperconectividad de los ciudadanos, con la coproducción de datos que permite innovar a través de la creación de nuevos usos. Ya tenemos numerosos ejemplos : la abertura de los datos, gracias al Open Data desplegada a escala de las ciudades, les permite a los ciudadanos tener acceso a datos de todo tipo : datos cadastrales, movilidad, infraestructuras, gestión de los recursos etc. Nuevas aplicaciones son creadas en el momento de los hackathons : en Paris, gracias al apps“Tranquilien”, por ejemplo, nacido de la abertura de los datos de la SNCF (ferrocarriles) en el momento de un hackathon, el transporte en nuestra región de Ile-de-France se mejora. Es verdad también para la eficacidad energética, con la creación de apps que permite señalar dificulatdes (como FixMyStreet a nivel internacional y su versión parisina, DansMaRue). Vemos nacer numerosas plataformas dedicadas a nuevos servicios urbanos. Un pórtal como “Proxima Mobile” en Francia cataloga todos los applicaciones útiles para los usuarios urbanos. Resumiendo, la capacidad a crear nuevas aplicaciones es infinita, y concierne todos los dominios de la vida urbana (salud, medio ambiente, movilidad, cultura, etc). Asistimos hoy a la convergencia del open – data, de la cartografía digital, de la géo localización y de la co construcción, la co producción de nuevos servicios. La era de la ciudad colaborativa ha así llegado a nuestras vidas en nuestras ciudades. Lo que es interesante en la actualidad, no es solamente el hecho que los datos estén abiertos, sino que los transformamos en procesos colectivos, y tenemos muchos ejemplos concretos, en fuentes de información y mas allá y es esencial en conocimiento. Contextualizados en un entorno socio-territorial, los datos mobilizan las energías ciudadanas y originan así nuevos servicios y usos tejiendo vinculos sociales. De mi parte, me movilizo para promover esas experiencias, gracias a la democratización del código, para popularizar el desarrollo de applis de una gran diversidad gracias al open source y para que vivir en su ciudad se haga, utilizando la cretividad propia sector digital, se traduzca en un estado de espíritu que yo llamo la “Appstitude ciudadana”. La movilización de estas energías no debe hacerse únicamente el tiempo de un fin de semana para un hackathon, sino al diario, gracias a la hyperconectividad.
Usted defiende una visión de la ciudad inteligente “humana”. ¿Qué quiere esto decir?
Soy en efecto uno de los miembros pioneros de esta comunidad internacional que promueve el concepto de la Smart City Humana o Ciudad Viva, defendiendo una visión totalmente “Citizen-centric”. Para nosotros, los verdaderas desafíos de la transformación urbana son sociales, económicos, culturales, completamente humanos. La tecnología no es un fin en sí, es sólo una palanca, por cierto extremadamente poderosa, de esta transformación. No puede haber ciudad inteligente sin inteligencia ciudadana. Esta visión es interesante porque ella permite concentrar los mejores esfuerzos para transformar la ciudad y me regocijo de verla hoy en el corazón de la reflexión de los grandes actores internacionales. Ha menudo hago referencia parodiando al sabio y el loco del proverbio chino : debemos mirar la luna de los usos y los servicios y no el dedo del digital que nos la muestra.
¿Las necesidades de las ciudades son diferentes según su perfil?
También defiendo sobre la escena internacional esta idea que la Smart City como modelo pre definido no existe, hay sólo Smart Cities humanas y cada cual en su propio entorno y contexto socio – territorial. La ciudad es comparable a un organismo vivo, es un ente complejo y cada ciudad tiene una historia que le es propia. Decimos que el siglo 21 es el de las ciudades, pero tambien que el peso de cada ciudad es particular y cada vez más creciente, superior en PIB en las grandes metrópolis al de estados por ejemplo. Existen pues necesidades específicas en cada espacio urbano, ligadas a su contexto y también las soluciones adaptadas para una ciudad no convienen forzosamente a otras, hasta en el mismo país. Por esto la importancia de trabajar con una visión y acción transversal y multi disciplinaria, comprendiendo cada caso y proyectandose en el, en sus vivencias y particularidades. No hay receta mágica de una ciudad a otra, ni “copy – cut”, como método. Por esto la importancia también de tomar en cuenta, de impregnarse, de sentirlo, de vivirlo, el entorno de cada ciudad, de comprender tambien los mecanismos que rigen su gobernanza, y tomar en cuenta la “inteligencia emocional ciudadana”, su proyeccion imaginaria, sentimental y real hacia la ciudad, porque sin aceptabilidad por parte de los futuros usuarios no puede haber transformación urbana.
¿Como son los intercambios que usted tiene con los diferentes alcaldes ? ¿Son suficientemente concientes de las oportunidades del digital o juzgan esta evolución todavía demasiada elitista o restringida?
Tengo el privilegio de intercambiar permanentemente con responsables de ciudades en Francia y en todo el mundo. Es imposible generalizar hoy la mentalidad de los alcaldes, la situación es muy diferente de una ciudad en la otra. En ciertas ciudades, la necesidad de esta mutación es ampliamente integrada por los responsables y esto se traduce en transformaciones profundas. Pero queda mucho que hacer para ir a lo esencial : capitalizar sobre esta oportunidad única que representa la convergencia entra el social, el urbano y el digital. Ciertos alcaldes están muy en la punta del digital, pero son tentados por una acción tecno – céntrica. Otros están muy en la punta de la acción social y dejan de lado la optimización que permiten las nuevas tecnologías. Otros finalmente invierten mucho en grandes trabajos de infraestructuras, pero tienden a descuidar el desarrollo de un ecosistema y la inclusión social. Hay pues que hacer un trabajo permanente de difusión, de intercambios y de pedagogía y es el papel que me esfuerzo tambien por jugar, con muchos otras colegas que comparten esta visión,en la escena internacional. Hay que proyectarse en la ciudad del futuro, pero también mostrar que es posible construirla desde hoy, como ciudades para la vida, aquí y ahora. Porque las ciudades que consiguen su transformación urbana son finalmente las que se proyectan sobre un largo plazo largo, bien más allá de la duración de un mandato electoral.