A l’heure des défis majeurs du changement climatique avec l’urbanisation à grande échelle, l’épuisement des ressources naturelles, la pollution urbaine massive est devenue quasi permanente, et les effets systémiques menacent notre qualité de vie, mettent en danger notre santé et au-delà l’ensemble même de la chaine du vivant. Le phénomène urbain a bien transformé en profondeur les rapports entre les hommes, l’habitat et la nature.
A l’horizon 2050, ce ne sont pas moins de 3 milliards de personnes qui s’installeront dans les villes partout sur la planète. Nous vivons ainsi le changement, en moins de 100 ans, d’un monde composé à 70% de ruraux à un monde urbanisé à 70 %. Mais nous savons aussi que les espaces urbains participent à hauteur de 70 % à la production des émissions de gaz à effet de serre, comme cela a été largement signalé.
Pour la première fois, en 2019, l’activité humaine a ainsi généré un taux de CO2 qui dépasse le seuil des 415 ppm et qui doit nous interpeller très sérieusement sur le danger existant pour l’avenir de l’humanité. Or, les aires urbaines rassemblent plus de 2/3 de la mobilité automobile et au moins 80% des habitations et des bâtiments tertiaires – les trois grands facteurs d’émissions de CO2 et de dégradation de la qualité de l’air.
Si on focalise sur la mobilité automobile, il y a des chiffres qui ne vont pas dans le sens de l’urgence climatique constatée : au-delà du rôle négatif de l’auto-solisme, source majeure des congestions du trafic urbain, l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE) a précisé dans une note récente, le poids croissant des véhicules SUV, devenus le majeur contributeur en terme d’émissions de CO2. En 2010, avec 35 millions, les SUV constituaient 18 % des ventes de voitures ; en 2018, avec 200 millions les SUV ont dépassé la barre des 40 %. Si la croissance des SUV continue à ce rythme, l’AIE précise qu’il s’agirait alors d’une demande de 2 millions de barils / jour complémentaires à l’horizon des vingt prochaines années, qui a elle seule viendrait annuler les économies énergétiques faites par 150 millions de véhicules électriques !
Mais le trafic automobile n’est pas uniquement une source de pollution. Il est à l’origine également d’une appropriation de l’espace public pour son intérêt particulier au détriment du bien commun. Avenues, chaussées, carrefours, parkings, avec leur lot de bitume et minéralité sont à leur usage prioritaire et entrainent comme conséquence la soustraction de l’usage de cet espace aux habitants et citoyens.
Récupérer ces espaces, les transformer pour les rendre aux habitants, en réintégrant vie, nature, eau, c’est aujourd’hui un combat clé pour les villes dans le monde entier.
Le constat est clair, il passe aussi par une prise de décision forte par les gouvernances locales, fixant un cap, certes parfois ingrat, car il s’agit de prendre des mesures radicales mais dont le bien-fondé va dans le sens de l’histoire.
Aujourd’hui, un peu partout sur la planète, nous avons assez de recul pour souligner l’importance capitale de cet engagement :
A Séoul, le projet proposé en 2002 de l’élimination de l’autoroute urbaine avec la récupération du canal, qui avait été enfoui et la création du Parc Cheonggyecheon, a montré 10 ans après qu’il était possible de transformer radicalement, un espace urbain consacré aux voitures en plein centre-ville pour le faire devenir un espace de vie.
A New York, le maire, Bill de Blasio, a annoncé un premier plan d’investissement avec de nouvelles mesures pour améliorer la mobilité dans les rues de la ville dans le cadre du plan «2019 OneNYC». Les mesures comprennent une augmentation de la vitesse des bus, encourageant les entreprises à passer aux livraisons en dehors des heures de bureau et introduisant de nouvelles zones pour donner la priorité aux piétons dans le Lower Manhattan. Ces mesures sont conçues pour aider les citoyens à se déplacer et coïncident avec l’introduction du péage urbain, qui commencera en 2021.
Début novembre le conseil municipal a voté 1,7 milliard de dollars d’investissements sur 10 ans, pour transformer les rues de la ville et améliorer considérablement la sécurité des cyclistes et des piétons. Ainsi New York devrait construire plus de 250 nouvelles pistes cyclables et ajouter 1,90 m2 d’espace piétonnier dans le cadre d’un déménagement visant à « casser la culture de l’automobile » de la ville.
A Medellin, dans la ville mythique de Colombie, après le métro câble, le projet du Parc urbain « Parques del Rio » montre également, comment cette initative de récupération du fleuve est une transformation du mode de vie, faisant partie d’une vision transverse de transformation de la ville. Retrouver la nature, développer l’inclusion sociale, proposer de nouveaux services urbains et retrouver la ville pour la vie, sont au cœur de ces transformations multi primées dans le monde entier.
Avec le quartier de « 5 minutes », Copenhague montre toujours sa vitalité créative. Nordhavnen, est un nouveau quartier urbain qui marque une nouvelle étape dans le développement urbain dans la convergence en matière de développement environnemental, social et économique par l’hyper proximité, les multi services et les usages accessibles à tous en courtes distances.
En Afrique, l’exemple de Kigali, montre également une voie de progression majeure dans la transformation des espaces urbains sous ce triple volet écologique, social et économique. Sacs plastiques interdits depuis 2004, l’Umunga, journée obligatoire de ramassage des déchets, piétonisation massive du centre-ville et délocalisation des services, avec en toile de fond une politique ambitieuse de décarbonation. Le Rwanda est un pays pionnier dans l’utilisation courante des drones pour le transport de l’assistance médicale.
En Chine, une ville récente, devenue mégapole, Shenzhen, est aujourd’hui la ville au monde comptant la flotte de bus électriques la plus importante au monde, avec une politique de mobilité, visant à donner la priorité à la mobilité collective et l’usage de l’espace public pour les habitants.
Oui, il n’y a pas de voie intermédiaire aujourd’hui : l’objectif de la neutralité carbone à l’horizon 2050, demande une baisse radicale des émissions sur les trente prochaines années. La mobilité est au cœur des enjeux. Décarbonation et hyper proximité avec la redécouverte des ressources urbaines, des courtes distances, sont à l’ordre du jour. Les Maires engagés dans cette voie méritent non seulement notre soutien mais au-delà, notre accompagnement. Il s’agit du courage indispensable face aux faits qui sont aujourd’hui devant nous, l’urgence est bien réelle et notre inaction aura de lourdes conséquences pour l’avenir.