Carlos Moreno a publié la semaine dernière une longue interview, scindée en deux parties, sur i-Ambiente, le portail espagnol de l’environnement. À découvrir aujourd’hui : les versions française et anglaise de la première partie de l’interview, dans laquelle le Professeur revient en détail sur son triptyque intelligence urbaine – inclusion sociale – innovation technologique et présente les 5 piliers de la transformation de la vie urbaine à l’heure de la révolution numérique.

Le portail I-AMBIENTE remercie le Professeur Moreno d’avoir accepté notre invitation à participer au portail par le biais de ces conversations avec notre collaborateur Antoni S. Zaplana (@aszapla). Du fait de son ampleur, l’entretien a été divisé en deux parties.

Dans ces conversations, le Professeur Moreno traite amplement de divers aspects recouverts par le concept des « Smart cities » et, au-delà, mène une réflexion approfondie sur l’époque à laquelle nous vivons et notre relation avec la technologie.

ville_intelligente1 Antonio Sánchez Zaplana : Bonjour Professeur Moreno, en tant qu’expert et conseiller scientifique du Président des filiales de COFELY-INEO, implantées à l’internationale, comment considérez-vous la situation en matière d’innovation urbaine en Espagne et en France ?

Professeur Carlos Moreno : Ma vision de scientifique travaillant sur des systèmes dynamiques complexes, comme le sont les villes, et ma présence au sein d’écosystèmes d’envergure internationale, m’a permis d’élaborer au fil de longues années de travail un cadre théorique dans lequel s’inscrit ma réflexion sur ce thème essentiel qu’est l’innovation urbaine. J’ai eu le privilège de pouvoir élaborer ce cadre tout en l’appliquant à des projets de grande envergure, en particulier par le biais de ma première start-up SINOVIA, pionnière dans ces domaines, et après son intégration à COFELY INEO, Groupe GDFSUEZ, à une échelle importante et avec une empreinte mondiale.

Il convient de préciser le contexte général de la ville, qui en se développant doit faire face à de nombreux défis : augmentation de population, des besoins énergétiques, précarité économique, écarts sociaux, réduction des budgets à une époque de crise, coûts énergétiques en hausse, diminution des ressources fossiles, pression médiatique, etc. Aujourd’hui, la planète a dépassé les 7 milliards d’habitants et, pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, plus de 50 % de la population vit dans des villes ; en Europe le chiffre atteint 77 %. En 2030, sur 8,3 milliards de personnes, l’on estime que près de 5 milliards vivront dans des zones urbaines. La ville est un lieu de vie qui se développe avec le temps, qui croît et qui augmente en complexité. La croissance exponentielle des villes consomme des ressources, fragilisant encore plus un environnement déjà considérablement affecté. De nouveaux besoins vitaux s’imposent sur le plan alimentaire, sanitaire, climatique, de la mobilité, etc., exigeant de nouvelles réponses dans ces contextes de forte évolution, où la nature se trouve plus que jamais menacée. Il s’avère également pertinent d’envisager les ruptures nécessaires afin d’élaborer d’autres paradigmes en matière de conception et de transformation de la vie en ville, impulsés par l’innovation.

Parallèlement, nous vivons au XXIe siècle à l’époque de la révolution numérique ubiquitaire : le monde a dépassé le chiffre de 5 milliards d’appareils connectés et, en 2020, ce chiffre devrait avoir triplé. Je mentionne souvent le fait qu’un simple smartphone possède la puissance de calcul qui a été utilisée en 1969 pour envoyer l’homme sur la lune. Les relations entre les personnes, indépendamment de leurs habitats, us et coutumes et de la région de la planète où elles vivent, se sont vues profondément modifiées par l’instantanéité des échanges permise par cette présence ubiquitaire, par la puissance de l’informatique, de l’Internet des personnes et de l’Internet des objets… Les nouvelles technologies impriment profondément et durablement leur marque dans l’environnement immédiat de la vie quotidienne de chacun. (Voir mon montage audiovisuel : Un monde qui change, nos vies et nos villes en mouvement)

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Penchons-nous maintenant sur le sujet essentiel de l’innovation urbaine et, de manière générale, examinons les modalités à suivre pour la développer, non pas comme un effet de mode ou de communication ponctuelle mais de manière permanente avec des objectifs à moyen et long terme, comme la colonne vertébrale des propositions visant à améliorer la qualité de vie des citadins. Ma réflexion s’articule autour d’éléments qui constituent selon moi 5 impératifs clés :

Impératif n°1 : répondre de manière efficace, continue mais visionnaire et dans le même temps pragmatique et économique, notamment dans les périodes de crise comme à l’heure actuelle, aux besoins d’aujourd’hui et de demain des citadins.

Au-delà de l’innovation urbaine le concept auquel je m’attache est celui de l’« intelligence urbaine ». Il s’agit de l’essence même de la vision dans laquelle s’inscrivent mes réflexions et mon action. Je considère l’innovation urbaine comme un élément clé, mais non unique, du paradigme indispensable pour réussir la transformation incrémentielle de la ville, ce que j’appelle le triptyque de « l’intelligence inclusive, urbaine, sociale et technologique ».

Il n’est dons pas question d’un concours permanent pour déterminer quelle est la meilleure technologie du moment, quelle est la ville la plus intelligente et au « QI » le plus élevé, ni de connaître le nombre de grands chantiers menés sous tel ou tel gouvernement, mais avant tout de proposer une vision ouverte et collaborative de la construction, gestion et amélioration de l’espace urbain concerné, de ses services publics, de ses infrastructures, qui doivent intégrer, en se projetant dans l’avenir, les impératifs en matière d’environnement, de développement durable et de respect de la diversité sous toutes ses formes.
Il est essentiel de tenir compte de la multiplicité des acteurs impliqués dans cette triple base fondatrice de la transformation de la ville « dotée d’une intelligence urbaine, socialement inclusive et technologiquement avancée », d’où découle également une multiplicité d’angles de réflexion et de sources de propositions.

De la naît l’Impératif n°2 : « vivre dans une ville vivante ».

Il s’agit de la nécessité de développer une dynamique collaboratrice par le biais de synergies permanentes entre de larges champs disciplinaires. La vie de la ville, entité complexe par excellence, est elle-même dynamique. Et simultanément très fragile. Comme je le dis fréquemment dans mes conférences ou mes textes, il s’agit de vivre dans une ville qui est elle-même vivante et exposée en permanence à toutes sortes de risques qui affectent son devenir. Un grand nombre de systèmes interdépendants constituent le tissu urbain au centre duquel se situe le citadin. Pour cette raison, la réflexion sur les projets urbains, sur l’intelligence sociale et la technologie urbaine au service du citadin, sur la résilience et sa construction, exigent des pratiques transversales afin de pouvoir innover, expérimenter, explorer les relations qui existent entre l’espace public de la ville, ses infrastructures, ses besoins de développement publics et privés, dans le cadre d’une évolution urbaine permanente qui représente le quotidien de millions de citadins quelle que soit la taille de leur ville, petite agglomération ou grande métropole.

Placer le citadin au centre me mène à l’Impératif n° 3 : Comment produire pour un espace public dynamique, vivant, en répondant aux interdépendances généralisées, des propositions qui permettent d’anticiper ses évolutions et qui soient non seulement acceptées socialement mais aussi génératrices sur le plan social d’initiatives et d’appropriation, y compris en cas de ruptures ?

Cela me conduit à examiner ce que j’appelle la « vitalité urbaine », à savoir la convergence de la « ville vivante » – la Living City que je défends – avec ses infrastructures et services d’une part, et des initiatives citoyennes d’autre part, pour lesquelles il est nécessaire de créer des capacités participatives au travers d’espaces d’échange, de discussion, de création, avec des citadins que j’appelle les « Smart Citizens », sans attacher à ce terme de connotation restrictive.

La « vitalité urbaine » ne peut non plus être considérée de façon idéaliste, car les villes se sont développées chacune à leur propre rythme, dans des contextes sociaux, économiques, politiques, culturels, géographiques, etc. très différents. Et ce non seulement d’un pays à l’autre, d’une ville à l’autre, mais au sein d’un même pays, d’une même région voire d’une même ville. Car en réalité combien de villes ne sont-elles pas abritées dans une seule ville ? De multiples villes, sans aucun doute, que nous connaissons parfois mal ou pas du tout… Ces sectorisations de tout type sont le produit d’une histoire et doivent être envisagées dans leur contexte particulier pour ne pas tomber dans une vision idéalisée et abstraite du citadin participatif…

Cela me mène à l’Impératif n°4, celui de l’intelligence urbaine socialement inclusive ; transformer le citadin lui-même, chacun de nous, afin que chacun s’implique dans la vie de la ville, soit acteur de sa vie d’aujourd’hui et de demain.

En effet les citadins qui habitent la ville sont eux-mêmes dissemblables, asymétriques, souvent changeants, fortement influençables, et sont le produit de contextes et de situations de vie qui les ont fait évoluer de manière différente, en les conduisant selon les circonstances soit à se marginaliser, à être passifs, à ne pas se sentir socialement inclus, ou au contraire à être les acteurs d’un aspect ou d’un autre de leur ville, à être hyper-présents, hyperactifs, fortement impliqués, et entre ces extrêmes existent de multiples nuances et facettes. Dans ce quatrième impératif, en même temps que la vitalité urbaine il est essentiel de créer un mouvement, un état d’esprit que j’appelle « la volonté du citadin actif », qui permet au citadin de construire, vivre, développer, alimenter l’interactivité entre lui-même et sa ville. C’est un concept que j’évoque également dans mes travaux à travers les slogans « vis ta ville », « change ta ville », « ta vie est la ville », « tu es la ville », qui sont des expressions de la « vitalité urbaine inclusive ».

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Clairement, l’Impératif n°5 est le produit de la révolution du XXIe siècle, la révolution numérique ubiquitaire : l’avènement de l’« intelligence ambiante » et avec elle, du citadin connecté.

La révolution numérique est en marche à travers l’ensemble de la planète. Celle-ci a démarré il y a déjà longtemps avec l’installation des mailles serrées des réseaux de communication et d’Internet, auxquels sont venus s’ajouter de nouvelles mailles plus fines, celles des objets communicants, notamment les smartphones et autres appareils ubiquitaires. Selon moi, la puissance de la révolution ubiquitaire vient du fait que les objets, initialement technologiques, se sont transformés en objets sociaux ayant un usage social, indépendamment de leurs modalités de connexion. Ils ont ainsi participé à la création de services qui transforment nos vies et nos villes.

Il s’agit de la convergence du monde physique ou réel et du monde virtuel, grâce à des interfaces hyperactives connectées. Les utilisateurs se réapproprient leur rôle de citoyen et deviennent des acteurs connectés en temps réel. Ils ne sont plus de simples consommateurs d’Internet, ils en sont devenus les protagonistes. Une telle hyperconnectivité entre les personnes, par le biais de cet univers diffus, crée ainsi un nouvel état de fait jusqu’à présent inconnu. Parmi ceux qui décident d’utiliser leur connectivité en créant un lien social, émerge une nouvelle forme d’expression sociale de nature participative pour les citoyens les plus évolués. Ainsi, les citoyens sociaux connectés, parfois anonymes, par le biais d’une photo, d’un tweet ou d’un statut, acquièrent une force qui, lorsqu’il s’agit de s’exprimer sur la vie de la cité, dépasse la frontière entre monde virtuel et réel et engendre un puissant contre-pouvoir civil. La pression sur les dirigeants s’exerce pratiquement en temps réel et les lanceurs d’alerte vivent dans l’actualité réactive immédiate, en créant des effets multiplicateurs inédits aux conséquences sociales parfois imprévisibles. (Voir mon article Et si la ville hackait la technologie ?)

Cette nouvelle ère du cyberespace inversé, auquel je fais allusion dans mes interventions, prend corps dans nos vies, dépassant la simple connectivité des objets et de l’utilisateur pour s’hybrider à notre quotidien.

Smart-Cities-Intelligence-ambiante-ville-vivante-carlos-moreno-3En ce qui concerne la comparaison de l’innovation urbaine en France et en Espagne : je préfère concentrer mon propos sur certains points particuliers susceptibles d’éclairer les lecteurs vivant dans différentes parties du monde, étant donné que j’estime primordial de contextualiser les avancées et les impacts dans le secteur de l’intelligence urbaine.

Je peux ainsi dire, pour répondre à la question d’i-Ambiante, que j’observe avec grand intérêt en Espagne les dynamiques générées par ce domaine, auquel est accordée une attention qui revêt selon moi un caractère pionnier. J’ai pu observer des initiatives fortes dans différentes régions, où des villes ont lancé des opérations pilotes et sont également allées au-delà de la simple expérimentation ponctuelle. Dans le même temps j’ai été frappé par la formation d’écosystèmes, qui permettent de réunir des entités et des expériences de nature différente, depuis les villes elles-mêmes et leurs composantes jusqu’au monde universitaire et de la recherche, en passant par les entreprises privées et les start-up. Il est difficile de recenser toutes les initiatives étant donné leur nombre élevé, mais citons les suivantes à titre d’exemple : Santander, La Coruña, Valencia, Barcelone, Bilbao, Málaga, Jaén, Gijón, Elche, San Cugat del Vallés ; il est intéressant de noter que nous retrouvons dans cette liste des villes de différentes régions et tailles.

Les initiatives d’un comité de normalisation de Smart Cities, créé au sein de l’AENOR en décembre 2012 avec l’appui de la SETSI, qui réunit plus de 200 experts collaborant sur la normalisation dans 5 domaines : Sémantique-Indicateurs, Infrastructures, Gouvernement-Mobilité, Énergie-Environnement et Destinations touristiques. Il s’agit d’un projet exemplaire en Europe. Si nous ajoutons l’initiative internationale née à Barcelone autour du City Protocol, plus le siège dans cette même ville de l’organisme des Nations Unis en charge de la Résilience des villes, nous voyons là un cadre porteur d’une dynamique forte qui produit une impressionnante contribution tant conceptuelle qu’applicative.

Le monde des Living Labs, à l’instar des centres universitaires, produit des apports qui alimentent cette dynamique. Des entités telles que le CIDEU et le CTC contribuent à lui donner un rayonnement qui dépasse les frontières, en particulier dans la sphère latino-américaine. Des initiatives privées telles celles de CISCO, SCHNEIDER – TELVENT, TELEFÓNICA, INDRA, AGBAR et de grands groupes mondiaux actifs dans les domaines des fluides, de l’énergie, du transport et de la mobilité, vont de pair avec la stimulation du développement de start-up ; je pense par exemple à Libelium, à la Línea Verde et à tant d’autres qui participent à cette effervescence.

Ce n’est pas un hasard si la grande initiative mondiale Smart Cities Congress / Expo est menée à Barcelone et s’il existe en Espagne un groupe de penseurs d’envergure internationale sur le sujet de l’intelligence urbaine, tels que Pilar Conesa, Pablo Sánchez Chillón, Paco Prieto, Artur Serra, Manel Sanroma, Esteve Almirall et bien d’autres encore.
Je pense que la dure crise qui s’est abattue sur l’Espagne a obligé de même à modifier d’une certaine manière la gestion de la ville, en ouvrant la voie à ces initiatives qui, dans le cadre de l’intelligence urbaine, ont toutes en commun une forte tendance à la mutualisation des efforts et des ressources et leur optimisation pour intégrer dans les services d’aujourd’hui et de demain les nouvelles nécessités et exigences citadines ainsi que les retombées de la révolution numérique.

De même, je pense que l’existence de gouvernements régionaux – les communautés autonomes d’Espagne – crée des espaces particuliers pour l’élaboration d’initiatives dans ce domaine et, dans certains cas, des compétences interrégionales qui peuvent servir à stimuler des initiatives, bien que ces dernières ne soient pas toujours convergentes.

Smart-Cities-Intelligence-ambiante-ville-vivante-carlos-morenoEn France, le développement de l’intelligence urbaine obéit à des critères de nature quelque peu différente, liés à la diversité et à la complexité de nos structures administratives qui sont dotées de niveaux de décision et de périmètres différents (métropoles depuis peu, régions, départements, agglomérations de communes, communes). Les sources de financement ne sont pas faciles à obtenir, d’autant plus que le cadre des marchés publics est assez stricte et que la structure nationale n’est pas nécessairement de nature à favoriser l’émergence de nouveaux secteurs économiques, qui se situent de manière totalement transversale en matière de gestion de la ville. L’on observe toutefois la naissance de nouveaux modèles économiques qui doivent coexister avec les cadres administratifs actuels.

Sur le plan structurel, la création en France du grand Programme « Investissements d’avenir » qui prévoit un financement de l’État français à hauteur de 35 milliards d’euros, prolongé par le nouveau gouvernement avec une affectation complémentaire de crédits, a servi à impulser une vaste gamme de projets collaboratifs qui, dans l’ensemble du pays, ont été le fer de lance de nombreuses transformations, notamment autour du thème qui nous occupe, l’innovation urbaine, les quartiers écologiques, la mobilité durable, les quartiers numériques, et récemment la vie numérique, les utilisations et services du secteur numérique dans la vie de la ville, etc. Ainsi des projets phares ont commencé à émerger, ainsi que de grandes capacités scientifiques et technologiques pour mettre l’innovation au service des utilisations et services de la ville d’aujourd’hui et de demain.

La France est dotée d’un tissu industriel de grande qualité, et de leaders internationaux dans les domaines des services, de l’énergie, du transport, des fluides, de l’urbanisme et du bâtiment. Elle jouit en outre d’une communauté scientifique et universitaire de dimension internationale, notamment en mathématiques, sciences de la complexité, sciences informatiques, biotechnologies, électronique, et d’une communauté technologique très riche en termes d’entreprises start-up et de pointe, qui permettent de se montrer optimiste quant aux capacités de cet écosystème à être à la tête d’une vision internationale transversale en matière d’intelligence urbaine. Les services parisiens de mobilité urbaine durable AutoLib et Vel’ib sont aujourd’hui exportés et rencontrent un véritable succès, pour citer un exemple.

L’innovation urbaine a ainsi pu s’appuyer sur ces grands programmes, auxquels s’ajoutent les initiatives de grandes régions et villes, de sorte que l’on peut véritablement observer une tendance de fond dans les grandes villes, qui se manifeste peut-être majoritairement dans des secteurs tels que le transport, l’énergie, le logement, l’écodurabilité, mais qui est tirée vers la transversalité et dynamisée par l’impact du numérique et par les grands programmes d’investissement d’avenir. Cela est le cas à Paris, Lyon, Nice, Toulouse, Bordeaux, Rennes, Caen, Cannes, Strasbourg, Dijon, Lille, Montpellier, Besançon, mais est aussi observable dans de petites villes qui souhaitent participer à ce processus, telles que Nancy, Courbevoie, Beaune…

Le processus d’innovation urbaine affronte une problématique importante en France, liée à la rénovation urbaine elle-même, et du fait de contextes socio-économiques historiques, à la nécessité de reconstruire un tissu social, culturel, éducatif et d’emploi qui permette de proposer de nouvelles dynamiques, de relier des quartiers et secteurs de manière plus inclusive, offrant ainsi une vision plus éco-systémique, plus transversale. Cette initiative pour une ville plus inclusive et exigeant une participation plus active de la part du citadin, s’appelle aujourd’hui en France « mieux vivre ensemble dans la ville ».

numeriqueAntonio Sánchez Zaplana : Ce portail s’appelle « i-ambiente », nous ne pouvons donc manquer de demander ce que représente pour vous l’« intelligence ambiante » ?

Professeur Carlos Moreno : Il s’agit d’un concept fondamental, la colonne vertébrale non seulement de mon raisonnement mais de la révolution numérique : le résultat de l’évolution intervenue depuis la naissance d’Internet et du World Wide Web jusqu’à cette première décennie du XXIe siècle ; ce que nous commençons à vivre, l’ubiquité, l’intelligence distribuée, la géolocalisation et la capacité réactive de tout un chacun par le biais de l’hyperconnectivité humaine avec les réseaux sociaux, qui s’ajoute désormais à la puissance exponentielle de l’Internet des objets.

Selon moi, l’actuelle révolution numérique se caractérise principalement par la présence diffuse du numérique au plus profond des activités humaines, via un phénomène de maillage à évolution illimitée qui se développe et qui conduit à l’omniprésence du numérique. Cette transversalité en fait une importante source d’opportunités de création de valeur dans pratiquement tous les secteurs d’activité. Pour exploiter pleinement cette révolution et les transformations profondes qui l’accompagnent, il faut réinventer le numérique, en le concevant non pas à partir d’objets technologiques mais à partir des utilisations et des services nouveaux qu’ils rendent possibles. Il faut aujourd’hui changer de paradigme pour que la notion de conception de services trouve sa pleine mesure.

L’homme numérique se considère comme un homme connecté, complété, hybridé, alors qu’en réalité il devrait transcender l’objet technologique (par exemple le smartphone) pour s’approprier une nouvelle culture, faite de nouvelles utilisations et de nouveaux services, par le biais des applications qui contribuent à changer ses relations avec autrui et avec son environnement. Google, Facebook, Twitter, WeChat, LinkedIn, Instagram, YouTube, pour donner quelques exemples très actuels, constituent avant tout une révolution dans l’utilisation et l’acceptation de nouveaux services, qui modifient nos relations avec les autres et avec le monde qui nous entoure.

Le concept de l’intelligence ambiante nous amène à opérer un véritable changement de paradigme qui place au cœur de notre activité la compréhension des systèmes interdépendants et de leurs interactions, de manière à pouvoir ainsi inventer et réinventer d’abord les utilisations et services qui transforment la vie et créent de la valeur, sans oublier les valeurs, au sens tant éthique qu’économique du terme.

Avec l’utilisation de la technologie conçue comme une Intelligence ambiante au service d’utilisations dans la ville, nous entrons dans la phase initiale d’une tendance profonde, qui va créer des services et utilisations radicalement nouveaux, mais qui va également transformer la réponse des villes et des métropoles face aux besoins vitaux et aux exigences de bien-être de ses habitants, ainsi que leur manière d’affronter les problèmes qu’elles rencontrent.

Au travers des réseaux sociaux, tout en chacun pourra contribuer à l’élaboration de services publics, et il probable que de nouvelles manières de vivre surgissent. Nous assistons également à une révolution dans les formes d’organisation : peu à peu les systèmes hiérarchisés et verticalisés sont remis en question, car à l’heure actuelle, avec la diffusion massive et horizontale de l’information, chacun peut s’approprier des compétences et prendre des décisions.

Dans ma vision des choses, il s’avère crucial d’apporter à la ville et à ses habitants cette intelligence ambiante distribuée, pertinente, disponible et accessible à tout moment, à chaque instant et en tout lieu, afin qu’elle soit robuste, auto-adaptative et capable d’apprendre, de se réparer et de se reproduire de façon autonome.

De mon point de vue, nos villes, qui sont des environnements complexes, devront se transformer en écosystèmes transversaux, ouverts, évolutifs, adaptatifs et permettant l’épanouissement de leurs habitants.

Les réseaux énergétiques et l’émergence de la ville sans carbone exigent que le développement durable soit placé au cœur de la vie citadine. La ville du futur, que nous construisons jour après jour, est guidée également par la nécessité impérative d’optimiser et de mettre en commun les ressources.

Il est de notre devoir de mobiliser la collectivité des agents de la ville (responsables, charges élues, universitaires, chercheurs, industriels, citoyens, etc.) pour réfléchir ensemble et partager nos perspectives, dans un esprit de collaboration et sous une forme transversale à l’échelle internationale.
La bonne nouvelle est que cette réflexion a déjà été initiée et qu’elle émane d’une communauté qui réfléchit, discute, échange des opinions et qui agit également et partage des pratiques optimales.

Je lance ici un appel afin que cette communauté de réflexion et d’action soit renforcée autour du thème de la ville de demain. Tous nos projets, nos réalisations, nos réussites doivent être portées à la connaissance du public, pour démontrer qu’aujourd’hui et chaque jour, nous continuons à construire ensemble l’avenir et à réinventer la vie.

cofely-ineo-carlos-morenoAntonio Sánchez Zaplana : Quels sont les projets actuels de COFELY-INEO liés à l’Intelligence ambiante?

Profesor Carlos Moreno : COFELY-INEO est une entreprise française qui réunit 14 500 collaborateurs, et il s’agit d’une filiale du groupe GDFSUEZ, leader mondial de l’énergie indépendante et des services au sein des villes. COFELY-INEO fait partie de la marque COFELY, leader des services multitechniques en Europe, qui emploie 77 000 personnes et dont le chiffre d’affaires s’élevait à 14,7 milliards d’euros en 2012. GDF SUEZ Energy Services est l’une de six unités d’activité de GDF SUEZ, l’un des principaux groupes énergétiques à l’échelle mondiale.

En Espagne, Cofely génère un chiffre d’affaires de 330 millions d’euros, emploie près de 2 500 collaborateurs, et possède un réseau de plus de 50 agences qui répondent aux besoins de plus de 1 500 clients répartis sur l’ensemble du territoire espagnol.

Cofely propose une gamme de services mutlitechniques énergétiques dédiés à la ville qui vont de la conception à la gestion-maintenance en passant par la réalisation de solutions énergétiques locales et renouvelables.

Nos services en intelligence ambiante sont assez nombreux et illustrent concrètement notre vision : plateformes d’interaction pour la ville, éclairage public, mobilité verte, transport public, valorisation du patrimoine, intelligence du transport, efficacité énergétique, télécommunications, sécurité en ville, universités et éducation, services liés aux réseaux électrique de nouvelle génération…

Le point commun de ces services est une vision qui associe convergence, mutualisation, virtualisation et hybridation par le biais du concept de plateforme ouverte, notamment avec l’architecture de mon ex start-up, Open Control.

Pour le seul domaine de l’éclairage public, cela représente 200 villes en France, 600 réseaux et 600 000 points lumineux. En matière de sécurité globale, de grandes villes telles que Paris, Nice ou Cannes disposent de cette gestion transversale mutualisée de nouvelle génération, grâce à la plateforme de services urbains orientée design. Cela est également le cas pour les services énergétiques de nouvelle génération, de type Smart Grid.

Cette convergence se trouve optimisée en cas de croisement de services, comme par exemple pour la mobilité électrique (car sharing), où les services énergétiques de mobilité et de gestion en temps réel sont articulés au travers de la même plateforme. Si l’on ajoute les systèmes interdépendants d’accès par téléphone mobile et l’intermodalité avec d’autres services de mobilité, voilà une illustration parfaite d’application du paradigme de l’intelligence ambiante. C’est par exemple le cas lorsque l’on associe les sources d’énergie pour tramways, l’éclairage public et d’orientation dans les stations et les informations pour les usagers.

Notre plateforme de mobilité pour tramways et bus urbains, NAVINOE, est l’un des acteurs mondiaux les plus importants, présent non seulement dans les tramways français (22 sur 23 villes) mais également dans le monde avec plus de 100 réseaux urbains (Barcelone, Édimbourg, Porto, Jérusalem, Casablanca, Alger, Dubaï, Genève, Québec… et bientôt dans le nouveau tramway de Cuenca).

De même, dans le domaine de l’énergie et du transport d’énergie, nous sommes un leader mondial des services aux villes, grâce à la puissance de la marque COFELY de GDFSUEZ à laquelle nous appartenons, présente dans le monde entier.

Qu’est-ce qui fait l’importance capitale des plateformes urbaines comme source d’hybridation ?

Les plateformes sont des systèmes qui permettent d’agréger, d’enrichir, de récréer, de contextualiser des informations, mais c’est surtout par leur biais que les usages et les fonctionnalités peuvent être repensés et incarnés. Véritables espaces d’agrégation et de rencontres dans lesquels convergent les mondes physique, numérique et social, les plateformes sont des lieux où l’on appréhende autrement les usages.

A travers les plateformes dédiées à la mobilité en ville par exemple, la voiture n’est plus pensée comme un objet propre mais comme une fonctionnalité, parmi d’autres, pour se déplacer. Les plateformes font ainsi naître une culture de l’aller-retour entre le monde physique et le monde physique par le biais du monde numérique, l’hybridation permettant dès lors de générer de nouvelles utilisations et fonctionnalités.

La plateforme permet de concrétiser la conception/définition des services, qui occupe une place toujours plus centrale dans les débats, et dont je suis un fervent partisan. Il s’agit en effet de la pierre angulaire de ce monde fantastique de la technologie, qui doit être traduite en usages et services, créant du lien social et de la valeur, et transformant réellement nos villes et nos vies.

Il est essentiel de penser en termes d’utilisations et de services, et d’intégrer la notion de conception de services afin de porter la technologie vers une authentique conquête sociale, sans laquelle elle ne pourrait pas être synonyme de progrès et d’utilisation efficace.

La conception de services, lorsqu’elle est mise en œuvre dans le cadre de plateformes pour être réalisée en commun, permet d’accéder au crowdsourcing, à l’open date et aux apports du public, ce qui garantit une hybridation avec le monde physique par le biais de l’Internet des objets. C’est ainsi qu’elle devient plus que jamais la voie du futur.

Pour en savoir plus sur ce thème, lisez mon article Objets connectés, corps augmenté et usages sociaux : les enjeux de l’hybridation (Fr/Es/En).

Paris, août 2013
Professeur Carlos Moreno

Fin de la première partie

Smart Cities – A vision: Ambient Intelligence for a Living City

ville_intelligente1 Antonio Sánchez Zaplana: Hello Carlos. As an expert and scientific advisor to the President of the Cofely-Ineo worldwide subsidiaries, how do you view the situation of urban innovation in Spain and France?

Professor Carlos Moreno: My vision as a scientist, working on complex dynamic systems such as cities, and my presence in ecosystems at the international level have allowed me to develop, through long years of work, a thought-provoking theoretical framework focused on this essential theme of urban innovation. I have had the pleasure of being able to develop it while at the same time applying it to large-scale projects, particularly with my first startup, Sinovia, a pioneer in these areas, and in a significant way after its integration into Cofely Ineo, GDF Suez Group, which indeed has a worldwide presence.

It is worth noting the general context of the city, which is developing in the face of numerous challenges: increase in population and energy needs, economic uncertainty, social differences, budget cuts in a time of crisis, rising energy costs, diminishing fossil resources, media pressure, etc. As of today, the planet’s population has surpassed 7 billion and, for the first time in the history of mankind, more than 50% of people live in cities, with this figure as high as 77% in Europe. In 2030, it is estimated that nearly 5 billion of 8.3 billion people will live in urban areas. The city is an alive place that develops over time, grows and becomes more complex. The exponential growth of cities consumes resources which further weakens an environment that is already quite affected. New vital needs arise in terms of food, health, climate, mobility, etc., which require new responses to these changing contexts, with nature threatened on an unprecedented scale. This also leads us to consider certain changes that are needed in order to build new paradigms of thinking and transforming life in the city through innovative action.

At the same time, we are in the midst of a 21st century ubiquitous digital revolution: the number of connected objects worldwide has surpassed 5 billion, a figure that is expected to at least triple by 2020. I often say that a simple smartphone has the computing power that was used in 1969 to send men to the moon. Relations between people, regardless of their habitat, traditions and customs and where they live on the planet, have changed dramatically thanks to the immediacy of this ubiquity, computing power and the power of the Internet of People and the Internet of Things… New technologies are leaving a profound and lasting mark on the immediate environment of each person’s day-to-day life. (See my slide show: “A changing world, our lives and cities in movement”)

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If we focus now on the essential aspect of urban innovation and, in general, ask ourselves how to develop it – not as a fad or a one-off message, but permanently and with a medium and long-term outlook as the backbone of the proposals aimed at improving citizens’ quality of life, my thought process centres around what I believe are five key imperatives:

Imperative No. 1: respond in an effective, continuous but visionary way and, at the same time, in a pragmatic way – and especially in times of crisis like this, in a frugal way – to the present and future needs of citizens.

Beyond urban innovation, my view is one of “urban intelligence”. It is the essence of the whole vision that underlies my thinking and my action. I consider urban innovation as a key – but not the only – element of what is an essential paradigm for a successful incremental transformation of the city and what I call the “urban, social and technological inclusive intelligence” triptych.

So it’s not about an ongoing competition in terms of what is the best technology of the moment, what is the most intelligent city in abstract terms based on it having the highest IQ, how many great structures have been built in this or that term of office, but above all proposing an open, collaborative vision of the construction, management and improvement of the urban area in question and of its public services and infrastructures which includes, looking towards the future, obligations towards the environment, sustainable development and respect for diversity in all its manifestations.

It is essential to keep in mind that the players involved in this three-pronged cornerstone of the transformation of the city – “socially inclusive and technologically advanced urban intelligence” – are many, and that the lines of thought and sources of proposals are therefore many as well.

This is the reason for Imperative No. 2: “live in a living city”.

It is the need to develop a collaborative process through equally permanent synergies among a wide range of disciplinary fields. The life of the city, the ultimate complex entity, is itself dynamic. And at the same time very fragile. I often say this in my conferences and writings, it is about living in a city that is itself living and constantly exposed to all types of risks that affect its future. A large number of interdependent systems make up the urban fabric in which the citizen is the focal point. That is why the reflection on urban projects, on urban social and technological intelligence at the service of citizens, on resilience and its construction, require cross-disciplinary practices in order to be able to innovate, experiment and explore the relations that exist between the city’s public space, its infrastructures, its ever-changing public and private development needs, which is the day-to-day life of thousands and millions of citizens, regardless of the size of the city, whether a metropolis or a large, medium or small city.

Putting the citizen at the centre brings us to Imperative No. 3: How to produce proposals for a dynamic, living public space that respond to general interdependencies and allow us to anticipate changes to them and which are not only socially accepted but also generate initiatives and appropriation and even changes at the social level?

This brings me to a discussion of what I call “urban vitality”. This is the convergence of the “living city” which I advocate, with its infrastructures and services, with citizen initiatives for which the ability to encourage involvement through forums for exchange, discussion and innovation must be created, with what we call “Smart Citizens”, without this term being limited to just a few.

“Urban vitality” can also not be viewed with idealism since cities have developed at their own pace, in very different social, economic, political, cultural, geographic and other contexts. Not only from one country to another or from one city to another, but also within the same country, within the same region, and even within the same city. How many real cities are there inside cities? The answer is certainly many, and we are sometimes not well aware of them or not aware of them at all… Each of these many subdivisions of any kind are products of history and must be considered in their own context to avoid falling into an idealistic view of the involved citizen per se…

This brings me to Imperative No. 4 – socially inclusive urban intelligence: transform citizens themselves, each of us, so that each person is involved in the life of the city, is a participant in its life today and tomorrow.

In fact, the citizens themselves, the city’s inhabitants are dissimilar, asymmetrical, frequently changing, easily influenced, a product of life circumstances and situations which have led them in different ways to be marginalised or passive and to feel socially disconnected or rather to play a role in their city in one form or another, while others are hyper-present, hyperactive, heavily involved based on certain circumstances, and between these attitudes are countless shades and facets. In this fourth imperative, with urban vitality it is essential to create a movement, a frame of mind which I call “active citizenship” which allows citizens to build, live, develop and foster the same type of “intuitu personae” interactivity with their city. This is also what I refer to in my writings when I say “live your city”, “change your city”, “your life is the city”, “you are the city” – slogans that express the notion of “inclusive urban vitality”.

Smart-Cities-Intelligence-ambiante-ville-vivante-carlos-moreno-2Of course, Imperative No. 5 is the product of the 21st century revolution, the ubiquitous digital revolution: “ambient intelligence”, and with it, the connected citizen.

The digital revolution is underway in all corners of the planet. This began a long time ago with the installation of densely knit communication networks and the Internet, to which were added new extension grids for communicating objects, especially smartphones and other ubiquitous devices. In my view, the power of the ubiquitous revolution stems from the fact that objects that were originally technological are becoming social objects with a social use, regardless of how they are connected. They therefore help to produce services that transform our lives and cities.

It is a convergence between the physical or real world and the virtual world, thanks to hyperactive connected interfaces. Users are going beyond the role of citizen and becoming actors connected in real time. They are no longer simple consumers of the Internet but are becoming its actors. This hyperconnectivity of individuals across this diverse world is also creating a new and until now unknown state of affairs. Among those who decide to put their connectivity to use by creating social links, a new form of social expression is emerging in which the most advanced citizens can take part. It gives citizens who are socially connected – at times anonymously – through a photo, a tweet or a status update a power that crosses the line between the virtual world and the real world when they express their opinions about the life of the city, thereby creating a strong civil counterforce. Pressure is exerted on leaders in near-real time and whistleblowers currently live in a state of immediate response, creating unprecedented multiplier effects which at times have an unpredictable social impact. (See my article: What if the city hacked technology?)

This new era of inverted cyberspace, which I allude to in my talks, is taking shape in our lives, going beyond the simple connectivity of objects and users and becoming hybridised in our everyday world.

Smart-Cities-Intelligence-ambiante-ville-vivante-carlos-moreno-3With regard to urban innovation in France and Spain: the comparisons based on my own view of the need to, above all, contextualise the advances and impacts in the urban intelligence sector, I prefer to focus my efforts on a few specific points that can give readers in different parts of the world some insight.

We can say, for instance, in honour of I-AMBIENTE’s invitation, that in Spain I observe with great interest the initiatives triggered by this issue which, in my opinion, has been given rather forward-looking consideration. I have been able to observe far-reaching initiatives in various regions, with cities that have launched not only pilot operations but operations that are far more than a one-off experiment. At the same time, I have been impressed by a notion of ecosystem which brings together different types of entities and experiences, from the cities themselves and their entities to the academic and research community, as well as private businesses and startups. It is difficult to list all the initiatives given their number, but examples include those in Santander, La Coruña, Valencia, Barcelona, Bilbao, Málaga, Jaén, Gijón, Elche and San Cugat del Vallés. What makes this interesting is that the cities are in different regions and vary in size.

The initiatives of a committee on Smart Cities standardisation created within the AENOR (Spanish Standardisation and Certification Association) in December 2012 with the support of the SETSI (State Secretariat for Telecommunications and Information Society), which brings together more than 200 experts working on standardisation in five fields – Semantics-Indicators, Infrastructures, Government-Mobility, Energy-Environment and Tourist Destinations – is a model in Europe. If we add to this the international initiative launched in Barcelona around the City Protocol, as well as the headquarters in this city of the UN agency on the Resilience of Cities, we indeed find a framework of a high-level process that is making an impressive contribution in terms of both concept and application.

The world of Living Labs, like universities, is making contributions that converge towards this process. Entities such as the CIDEU and the CTC are helping to raise its profile outside the borders, and particularly in Latin America. Private initiatives launched by companies like Cisco, Schneider-Telvent, Telefónica, Indra, Agbar and large global utilities, energy, transport and mobility groups go hand in hand with the effort to stimulate the development of startups. I am thinking, for example, of Libelium, Línea Verde and many others that are contributing to this success.

It is not by chance that the international Smart Cities Congress / Expo is being held in Barcelona and that in Spain there is a select group of world-renowned thinkers focused on urban intelligence, such as Pilar Conesa, Pablo Sánchez Chillón, Paco Prieto, Artur Serra, Manel Sanroma, Esteve Almirall and many others.

I feel that the severe crisis that has hit Spain has to some degree also forced cities to change the way they are managed, paving the way for these initiatives which, in terms of urban intelligence, have all the characteristics of a strong trend toward pooling and optimising efforts and resources for a convergence between the services of today and tomorrow, the new needs and requirements of citizens and the use of the digital revolution.

I also feel that regional governments, the autonomous communities, are creating special forums for developing initiatives in this area and, in some cases, interregional competition that can help to stimulate initiatives, even though they may not converge at times.

Smart-Cities-Intelligence-ambiante-ville-vivante-carlos-morenoIn France, the development of urban intelligence is based on slightly different criteria linked to the diversity and complexity of our administrative structures, which have different decision-making levels and scopes (Metropolitan areas recently, Regions, Departments, Agglomerations of cities, cities). Financing sources are not easily obtained, especially as the regulatory framework of the public markets is relatively strict and the national structure is not necessarily built to encourage the emergence of new economic sectors, which exist across all functions in city management. We are witnessing the emergence of new economic models that must coexist with the current administrative frameworks.

Structurally, the creation of the “Investing in the Future” programme in France through a €35 billion loan from the French Government, extended by the new government with an additional allocation of credit, has helped to drive a wide range of collaborative projects which are spearheading transformation throughout the country, particularly around the topic at hand, urban innovation. These projects include eco-neighbourhoods, sustainable mobility, digital neighbourhoods (recently), digital life, uses and services from the digital sector in citizens’ everyday lives, etc. We are seeing the emergence of flagship projects and significant scientific and technological potential that can support the uses and services of the city of today and tomorrow.

France has a high-level industrial fabric, with global leaders in services, energy, transport, utilities, urban planning and construction. A high-level international scientific academic community, particularly in mathematics, science of complexity, computer science, biotechnology and electronics, and a very rich technology community in terms of startups and breakthrough companies give cause for optimism about this ecosystem’s power to lead an international vision on urban intelligence that cuts across all sectors. For example, the Paris AutoLib’ and Velib’ sustainable urban mobility service, which has met with real success, is now being exported.

Urban innovation has been supported by these large-scale programmes, together with the initiatives of large regions and cities. Although these initiatives, which have set off a major trend in large cities, may sometimes start with sectors like transport, energy, housing and eco-sustainability, they are designed to cut across various sectors and are impacted by the digital world and the large future investment programmes. This is the case in Paris, Lyon, Nice, Toulouse, Bordeaux, Rennes, Caen, Cannes, Strasbourg, Dijon, Lille, Montpelier and Besançon, but is also apparent in small cities that want to participate in this process, such as Nancy, Courbevoie and Beaune, to name a few.

The urban innovation process faces significant problems in France tied to the very issue of urban renewal and, based on historical socio-economic contexts, the reconstruction of a social, cultural, educational and employment fabric that would make it possible to propose new processes that create a more inclusive bond between neighbourhoods and sectors, thereby offering a more ecosystemic, more cross-cutting vision. In France today, this is called the initiative for a more inclusive city where the citizen must be more actively involved – “living together better in the city”.

numeriqueAntonio Sánchez Zaplana: Since we call this portal “i-ambiente”, we can’t help but ask what Ambient Intelligence is for you.

Professor Carlos Moreno: It is a fundamental concept and the backbone not only of my reasoning, but also of the digital revolution: it is where what distinguishes the birth of the Internet and the Web and what we are beginning to live in this decade of the 21st century converge; ubiquity, distributed intelligence, geolocation and the ability of the masses to react via hyper-connectivity between people and social networks, combined now with the exponential power of the Internet of Things.

As I see it, the current digital revolution is characterised mainly by the widespread presence of digital in every aspect of human activities, thanks to this phenomenon of an unlimited network that is being created and that leads us to conclude that digital is omnipresent. This transversality is making it an important source of opportunities to create value in nearly all areas of activity. To get to the heart of this revolution and the profound changes it implies, we must reinvent digital by designing it based not on technology objects, but on the new uses and services made possible by these objects. We must now change paradigm to ensure that the notion of service design takes on its full force.

The digital man considers himself a connected, expanded, hybridised man when, in reality, he must transcend the technology object itself (for example, the smartphone) in order to embrace a new culture, that of new uses and services, through the applications that help change his relationship with others and with his environment. Google, Facebook, Twitter, WeChat, LinkedIn, Instagram and YouTube, to cite a few very current examples, are above all a revolution in the use and acceptance of new services that alter our relationships with others and with the world in which we live.

The concept of Ambient Intelligence leads us to make a real change in paradigm that puts an understanding of interdependent systems through their interactions at the centre of our activity. This will enable us to invent and reinvent first the uses and services that transform life and create value, yet without forgetting values – in both the economic and ethical sense of the word.

With the use of technology designed as Ambient Intelligence that can be used by citizens, we are entering the initial phase of a profound trend that is going to create radically new services and uses, but is also going to transform the way citizens and metropolises respond to the vital and welfare needs of their inhabitants and the way they confront the problems that plague them.

Through social networks, each person will be able to contribute to the development of public services, and new ways of living are likely to emerge. We are also witnessing a revolution in the types of organisation: little by little, hierarchical and vertical systems are being questioned since, with the current massive and horizontal dissemination of information, each person can acquire skills and take decisions.

In my view, it is crucial to provide this relevant, available and accessible distributed ambient intelligence to the city and its inhabitants at any time and in any place so that it is self-adapting, self-learning, robust, self-repairing and self-reproductive.

From my perspective, our cities, which are complex settings, must become open, evolutionary and adaptive transversal ecosystems that allow man to realise himself.

Energy challenges and the emergence of the carbon-free city demand that sustainable development become the focal point of citizens’ everyday lives. The city of the future, which we are building day by day, is also driven by the crucial need to optimise and pool its resources.

Our duty is to rally stakeholders in cities around the world (leaders, elected representatives, academics, researchers, industry leaders, citizens, etc.) to reflect together and to share our way of seeing things, in a spirit of collaboration and based on a cross-disciplinary approach.

The good news is that this reflection has already begun and is the work of a community that reflects, discusses, changes opinions and implements and shares best practices.
From here, I am appealing to everyone to bolster this community that is reflecting and taking action on the city of the future. All our projects, accomplishments and successes must be made known in order to demonstrate that today and every day, we continue to build the future and reinvent life together.

cofely-ineo-carlos-morenoAntonio Sánchez Zaplana: What Cofely-Ineo projects are related to Ambient Intelligence?

Professor Carlos Moreno: Cofely-Ineo is a French company with 14,500 employees and a subsidiary of the GDF Suez Group, a world leader in independent energy production and city services. Cofely-Ineo is part of the Cofely brand, the European leader in multi-technical services, which employs 77,000 people and had €14.7 billion in turnover in 2012. GDF Suez Energy Services is one of the six business units of GDF Suez and one of the largest energy groups in the world.

In Spain, Cofely has €330 million in turnover, nearly 2,500 employees and an extensive network of over 50 offices that tend to the needs of its more than 1,500 customers throughout Spain.

Cofely offers cities an array of multi-technical energy services that range from design to management-maintenance, and include the development of local and renewable energy solutions.

Our ambient intelligence services are quite numerous and are a concrete example of our vision: platforms for interaction in cities, public lighting, green mobility, public transit, heritage enhancement, transport intelligence, energy efficiency, telecommunications, public safety, universities and education, next generation power grid services, etc.

What these services have in common is a vision of convergence, pooling, virtualisation and hybridisation based on the open platform concept, particularly with the architecture of my former startup, Open Control.

In public lighting alone, this represents 200 cities in France, 600 networks and 600,000 light points. In general safety, large cities like Paris, Nice and Cannes use this next generation of pooled, cross-functional management through the public service design-oriented platform. They also use next generation Smart Grid energy services.

This convergence is optimised when services are crossed, such as electric mobility (car sharing), where mobility and real-time management energy services are coordinated across the same platform. If we add interdependent systems accessed by mobile phone and intermodality with other mobility services, we are fully applying this ambient intelligence paradigm. This is the case, for example, when we combine it with the energy sources for tramways, public and orientation lighting at the stations and user information.

Our mobility platform for tramways and city buses, NAVINEO, is one of the most important players in the world and is present not only on French tramways (22 of 23 cities), but also on over 100 urban networks worldwide (Barcelona, Edinburgh, Porto, Jerusalem, Casablanca, Algiers, Dubai, Geneva, Quebec, and so on, and recently on the next tramway in Cuenca).

Moreover, when we talk about energy and energy transfer, we lead the world in services provided to cities with the power of the Cofely brand of GDF Suez, a worldwide group to which we belong.

Why are urban platforms so important as a source of hybridisation?

Platforms are actually systems that allow us to add, enhance, re-create and contextualise information and, above all, they are what allow us to reconsider and embody the uses and functionalities. They are real areas of enrichment and convergence in which the physical, digital and social worlds come together, and are therefore places where uses can be understood in a different way.

For example, through platforms dedicated to urban mobility, the car is no longer designed as an object in itself, but as a functionality, among others, to get around. In this way, platforms give rise to an essential culture of coming and going between the physical world and the physical world via the digital world: a fertile hybridisation that generates new uses and functionalities.

Through the platform, service conception and design is materialised, which is increasingly at the heart of debates and of which I am a fervent supporter. It is indeed the cornerstone of this fantastic world of technology, which must translate into uses and services by creating social bonds and value and really transforming our cities and lives.

It is essential to think about uses and services and incorporate the notion of service design in order to transform technology into a real social accomplishment, without which it cannot be synonymous with progress and effective use.

Service design, when it is reflected in platforms for doing things in common, allows access to crowdsourcing, open data and crowd contributions, thereby ensuring hybridisation with the physical world through the Internet of Things. In this way it is becoming, more than ever, a path towards the future.

For more information on this topic, please read my article Connected objects, augmented bodies and social uses: the challenges of hybridisation (Fr/Es/En).

Paris, August 2013,
Professor Carlos Moreno

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